A partir de 5 ans • Lui, c’est Oscar. Le cartable. Il va tous les jours à l’école sur les épaules de son « copain ». Le copain, il est très drôle: il rigole beaucoup avec Juju, une petite fille rêveuse qui adore peindre et dessiner. Il lui dit que ce qu’elle fait est moche et qu’elle est nulle, et hop, elle change de couleur. C’est drôle! Il la cherche quand elle se cache à la récré et hop, il la pince! Qu’est-ce que c’est drôle, qu’est-ce qu’on rigole. Il a d’ailleurs eu une super nouvelle idée pour faire marrer ses potes et ça concerne encore Juju. Il va lui piquer le cahier qu’elle doit faire signer par ses parents, pour qu’elle se fasse bien punir par la maîtresse. Trop marrant, hein?
Sauf qu’après cette bonne blague, en rentrant de l’école, le copain d’Oscar ne rigole plus du tout. On dirait même qu’il est tout miné. C’est arrivé juste après que la maîtresse a glissé une enveloppe contenant une lettre du directeur dans son cartable, à destination des parents. Apparemment, elle pèse très lourd…
Le mécanisme du harcèlement
C’est une histoire de harcèlement scolaire. Ce harcèlement est subi par une petite fille nommée Juju, perpétré par un petit garçon qu’on ne nomme pas, dont le cartable Oscar nous relate les faits bruts.
La particularité narrative de cette histoire est justement ce point de vue partial d’Oscar, le cartable, qui ne voit et ne perçoit que ce que le petit garçon fait et dit. Perspective très différente et originale, puisque c’est le cartable qui raconte. Il était là, il a tout vu, tout entendu mais n’a pas d’avis puisque c’est un objet. Alors il se contente de nous raconter. Si son point d’observation est partial, son jugement ne l’est donc pas. Il est totalement neutre et factuel. Le point de vue du narrateur est à la fois froid et sans émotions, et permet à l’enfant d’élaborer lui-même son avis.
Le cartable, lui, a un prénom, la petit fille victime de harcèlement aussi. L’enfant n’a pas de prénom. Il est nommé « mon copain » par le cartable. Ca permet au lecteur d’y mettre de visage qu’il souhaite et également de rendre le message plus universel, plus transposable. Le petit harceleur peut être n’importe qui. Le fait de nommer la victime mais pas le bourreau lui retire une partie de son humanité et de son identité et contribue à faire comprendre le message mais surtout les mécanismes du harcèlement. C’est bien ça qui nous est expliqué dans la première partie de l’album. Comment ce petit garçon, qui avait l’air tout a fait normal dans les premières pages, s’avère être un petit bourreau et semble ne même pas se rendre compte du mal qu’il fait et des dégâts qu’il occasionne.
Les illustrations font penser aux traits des feutres d’école. Les couleurs choisies semblent traduire les émotions des personnages, presque comme une sorte d’aura. D’ailleurs certains changent de couleur selon le stade de l’histoire. Le petit garçon est représenté en bleu froid au début et à la fin du livre, pages qui se déroulent au présent, quand il a été pris sur le fait par la maîtresse et qu’il est honteux. Dans les pages qui racontent ses méfaits, il est violet. Juju est verte, couleur froide, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’elle soit mise à mal par ce qu’elle subit. Les autres copains sont représentés par des couleurs chaudes, ils sont à distance de l’histoire, même si leur rôle passif n’est pas contestable. Mais il ne s’agit pas d’eux dans cette histoire.
Un petit album coup de poing: le message est fort, marquant, et pourtant amené subtilement, avec ce point de vue original.
Qui a testé?
Krakotte à 7 ans. On a beaucoup discuté du harcèlement scolaire après la lecture de ce livre.