Les riches heures de Jacominus Gainsborough

A partir de 6 ans • Jacominus est né, on ne sait pas bien quand mais c’était là, à ce moment là, et c’était avec ces parents là. Si ça avait été d’autres parents, ou à un autre moment, ça n’aurait pas été Jacominus, n’est-ce pas? Mais voilà, c’est bien lui. Jacominus est tout petit. Et puis il a toujours la tête dans les nuages. Et puis il a une patte folle depuis sa petit chute de rien du tout, mais ça ne le dérange pas. Ca ne l’empêche pas de  vivre. Il apprend l’anglais et plein d’autres langues, il voyage et trouve un sens à sa vie. Il va même avoir trois beaux bébés avec Douce, la lapine qu’il a toujours aimée. Emporté par le quotidien, il va se faire un peu bousculer mais c’est comme ça qu’on y reste, en vie, n’est-ce pas?

La poésie et l’émotion

Ce très grand format est une véritable pépite. L’histoire est d’une sensibilité, d’une philosophie et d’une justesse qu’on a rarement l’occasion de rencontrer dans les albums jeunesse. La vie de ce petit lapin, de son premier à son dernier souffle, à la fois banale et tout à fait extraordinaire dans son accomplissement, est racontée avec une pointe d’humour et surtout beaucoup de tendresse. Les imperfections de Jacominus et les aléas de vie, parfois dure, sont rendus acceptables par les mots bienveillants de Rébecca Dautremer, dont c’est le premier album en tant qu’auteure.
Parfois triste, parfois perdu, parfois déçu ou blessé, le petit héros termine pourtant son périple en concluant qu’il l’a aimée, sa petite vie bien remplie. Par moments proche de la leçon de vie, l’auteure nous propose ici sa vision de ce que peut-être une existence qui vaut d’être vécue.

Cette fatalité de la vie trouve son contrepoids parfait dans la douceur des illustrations, à commencer par l’adorable portrait du personnage en couverture. Les doubles pages sont à couper le souffle: on dirait des peintures de musée, tant au niveau des compositions, des couleurs, qu’au niveau de la richesse des détails. Jacominus n’est pas un album qu’on feuillette. On y passe du temps, on scrute chaque petit détail et on se régale de chaque petit morceau de saynète. Le fourmillement de détails et de personnages est d’ailleurs une très bonne excuse trouvée par Rébecca Dautremer pour nous inviter à prendre notre temps. En effet, si on veut retrouver le petit Jacominus dans chaque illustration, il faudra parfois un peu de patience et beaucoup d’observation, un peu à la manière d’un « cherche et trouve ».

A chaque grand chapitre de sa vie, Jacominus est présenté seul, en pied, sur une page blanche. Le temps qui passe se lit sur son physique. Il grandit, mûrit, vieillit. Le temps passe, en somme…
Deux interludes, sous forme d’album photo, permettent de faire un point de l’avancée de la vie du petit héros. Comme si on appuyait sur « pause » pour faire un bilan sur ses relations, ses décisions, ses changements de cap. Chaque photo de ces pages est une ellipse d’une étape, d’une rencontre ou d’un choix.

La grand-mère de Jacominus s’appelle Béatrix. Probablement un hommage à Béatrix Potter, qui dessinait des petits personnages anthropomorphiques, tout à fait dans la même veine que ceux que Rébecca Dautremer nous présente dans cet album. Il semble que oui, si on en croit l’affiche du conte Pierre Lapin (dont Béatrix Potter est l’auteure),  cachée dans l’illustration qui présente tous les personnages sous la véranda.
Et cela n’est vraiment pas la seule référence dans cet album. Bon nombre de tableaux de maîtres semblent être à l’origine de son inspiration.

En résumé, cet album s’adresse aux enfants, bien sûr, mais une double lecture plus profonde et plus lourde de sens est accessible aux adultes. Avec Jacominus, on traverse presque un siècle de vie, et les événements qui vont avec. Subtilement, la guerre ou les crises économiques sont évoquées. Et, comme le dit l’auteure dans son prologue, qui s’adresse aux enfants: « D’ailleurs, les mots de disent pas tout. Si tu en rencontres quelques-uns dont tu ne connais pas bien encore le sens, je suis sûre que tu trouveras près de toi une grande personne pour te les expliquer. Ca sera d’ailleurs une bonne chose, car le livre est à partager. »

La jolie vie parfaitement imparfaite de Jacominus Gainsborough est exactement ce qu’il nous faut pour cet automne: un album feel-good, tendre et intelligent.

Qui a testé?

Krakotte à 6 ans et moi. Les illustrations sont à couper le souffle. Tellement beau et tellement poétique. Je vous mets au défi de ne pas verser une petite larme.

Les images

La fiche

[asvc_list_item icon_align= »left » icon_fontawesome= »fa fa-pencil » icon_color= »#186073″ icon_size= »13px »]Auteure et illustratrice:
Rébecca Dautremer[/asvc_list_item][asvc_list_item icon_align= »left » icon_fontawesome= »fa fa-book » icon_color= »#186073″ icon_size= »13px »]Editeur: Sarbacane[/asvc_list_item][asvc_list_item icon_align= »left » icon_fontawesome= »fa fa-money » icon_color= »#186073″ icon_size= »13px »]Prix: 19,50 euros[/asvc_list_item]

Points forts

Graphisme 90%
Histoire 100%
Pédagogie 80%
Ludique 100%