A partir de 10 ans •
Le Prince des ténèbres. New York, 1893. Sean Donovan est un orphelin de 15 ans dans cette grande ville en pleine expansion, qui vole à la tire pour vivre. Ce matin-là, il a repéré un vieux monsieur moustachu qui possède une bien jolie montre à gousset. Un objet qui pourrait lui rapporter pas mal d’argent s’il arrivait à le lui subtiliser. Aussitôt dit, aussitôt fait. Enfin presque : ce monsieur Pendergast réussit à le retrouver, le coince et récupère sa montre. Il lui fait une étrange proposition : il veut l’embaucher dans son agence, l’agence Pendergast. Ce service bien particulier traque les « paranormaux » qui « se comportent bizarrement à l’approche de la pleine lune » et tentent d’entrer sur le territoire des Etats-Unis.
La petite équipe est constituée de Célia, une jeune métis, et de Joe l’Indien (oui, il rappelle celui de Tom Sawyer). Sean a du mal à supporter la présence de Joe : ses parents ont été tués par des Indiens alors qu’il était bébé. Il a été recueilli par un brigand, Bill le Boucher, qui l’a intégré à son équipe de petits voleurs à la tire. Il y a aussi Gégé, le vieux monsieur gadgets de l’agence, qu’on aurait pu appeler « Q », comme dans James Bond.
Pendergast emmène Sean sur Ellis Island, la porte d’entrée de tous les migrants qui arrivent à New York par bateau, et lui fait visiter ses bureaux. Brrrr… ils sont peuplés de gens en effet pas tout à fait normaux… Sorcière, homme-poulpe, chien à cinq têtes, loups garoux, vampires… Les vampires sont, de loin, les plus dangereux de tous. Parmi eux, le prisonnier 666, Vlad Tepes, venu de Roumanie. Oui, Dracula himself. On comprendra plus tard que Pendergast a un contentieux avec ledit Vlad…
A la fin de ce livre, qui permet surtout de bien décrire l’environnement des aventures à venir, Sean Donovan accepte d’entrer dans l’agence et va mener à bien sa première « mission », contre le fameux Vlad Tepes.
Dans « Le Monstre des égouts » (on l’appellera le tome 2), Sean Donovan a appris à écouter et à prendre au sérieux les histoires farfelues qu’il entend dans les bistrots mal famés de New York. Justement, il s’y raconte qu’un égoutier a disparu. Il court au bureau de l’agence Pendergast pour raconter tout ça à son nouveau boss, et assiste à une bien curieuse réunion : le chef des nains accuse le chef des trolls d’être à l’origine de la disparition de l’un des siens, dans les égouts justement, sous le zoo de Central Park.
Apparemment, ces deux-là ne peuvent pas se sentir. Mr Pendergast lui explique : les trolls habitent sous le quartier de Harlem, les nains sous Midtown, et sont au bord du conflit depuis un bon bout de temps. Et si les trolls n’y étaient pour rien? Et si pauvre nain n’était que la victime d’un « paranormal » ?
Sean, accompagné de Célia et de Joe l’Indien, va mener l’enquête. Ils vont être accompagnés d’un quatrième larron, James Barrie. Ce très distingué James B est anglais, agent secret auprès de Sa Très Gracieuse Majesté (vous l’avez la référence ?). Et il ne va pas avoir peur de salir sa jolie moustache et sa redingote dans les égouts de NY.
Après avoir dégoté une lanterne magique qui fonctionne grâce à une luciole génétiquement modifiée chez Gégé, nos quatre compères rendent visite aux nains, dans leur magnifique royaume souterrain plein de technologie (enfin, pour l’époque quoi): trottoirs roulants, passerelles entre les bâtiments, bref, un monde bien plus avancé qu’en surface. Puis ils s’invitent au banquet des trolls. Là, c’est une autre affaire. Au menu : riz aux asticots, rats cuits à la broche, coupe d’insectes caramélisés en dessert, le tout arrosé de lait de rate fermenté. Bref, après ce repas d’anthologie, mission accomplie, rendez-vous est pris avec les trolls et les nains là où le nain a disparu.
S’ensuit une enquête, pendant laquelle Sean et ses comparses vont recroiser Bill le Boucher… et l’énorme monstre qui rôde dans les égouts. Avec les trolls et les nains, ils vont devoir ruser pour réussir à le mettre hors d’état de nuire après une course-poursuite haletante pendant les derniers chapitres du livre.
Les paranormaux bien « croqués »
Autant le dire de suite, on a beaucoup aimé ces aventures. Parce que ça se lit tout seul, parce que Christophe Lambert a bien construit et rythmé tout ça. Les livres sont beaux, couverture noire et touches de jaune, portraits des personnages à l’ancienne à l’intérieur, et des petits dessins en noir et blanc qui aident à imaginer quelques scènes clé pendant la lecture (les paranormaux sont bien « croqués »!).
On navigue très facilement entre le réel et l’imaginaire, peut-être parce que les deux sont suffisamment détaillés, ce qui les rend vraisemblables. Oui, choisir comme décor New York à la fin du XIXe aide à s’imaginer des bas-fonds infréquentables peuplés de personnages douteux et des égouts crasseux, mais ça permet aussi à Christophe Lambert de nous raconter Ellis Island, l’arrivée des migrants sur cette terre à conquérir qu’était l’Amérique. Ce monde nouveau, moderne, symbolisé par les bureaux de l’agence, que les lecteurs découvriront à travers les explications de l’auteur et le regard de Sean, petit garçon émerveillé par le téléphone, l’électricité, les machines à écrire…
Ces livres regorgent de clins d’oeil à des personnages de fiction : James Bond, Joe l’Indien, Dracula, trolls et nains, la fée clochette, mais aussi Sherlock Holmes et, dans la chute bien sentie du tome 2, un certain docteur Jekyll… On ne sait pas si les jeunes lecteurs comprendront tout, mais pour les plus curieux, c’est une invitation bienvenue à d’autres lectures ou l’occasion pour les parents de regarder un bon James Bond en famille…
L’histoire personnelle mouvementée du personnage central, Sean Donovan, permet d’aborder d’autres sujets, parmi lesquels le racisme. Bill le Boucher, qui l’a recueilli bébé, lui avait raconté que ses parents avaient été tués par une tribu d’Indiens. Dans sa tête d’enfant, tous les Indiens étaient responsables, et par un raccourci très habituel encore aujourd’hui, tous des tortionnaires : « les faces de terre cuite sont tous des sauvages, voyons ! ». D’où sa relation d’emblée conflictuelle avec Joe l’Indien. Un personnage va commencer à ébranler ses certitudes : la belle Célia. Sean tombe sous son charme d’emblée mais elle va le reprendre sèchement dès que Sean fera part de son aversion pour les Indiens. Son raccourci est stupide, Joe n’y est pour rien, et s’il pense ça des Indiens, que représente-t-elle pour lui, elle, la fille d’un fermier blanc et d’une esclave noire ? Une « face de cirage » ?
Bill le Boucher finira par lui révéler la véritable raison pour laquelle ses parents l’ont abandonné : un véritable choc qui va remettre en cause ses préjugés sur les Indiens.
Le racisme (ou la tolérance et la bienveillance pour les plus petits, ça commence par là) est souvent abordé dans les livres jeunesse que culture kids chronique, ici le sujet est approfondi et adapté aux plus grands : aucune raison de détester l’autre, même celle qui semble la plus légitime, ne justifie les généralisations qui mènent au racisme.
Dès la fin du tome 2, Sean a retenu la leçon… On a hâte de lire ses prochaines aventures, car, il ne faut pas l’oublier, ce sont elles qui captivent les jeunes lecteurs.
Qui a testé?
Le papa de Krakotte. Il s’est passionné comme un pré-ado pour ces aventures. Et les a avalées en trois jours.
Les images
La fiche
Christophe Lambert[/asvc_list_item][asvc_list_item icon_align= »left » icon_fontawesome= »fa fa-pencil » icon_color= »#186073″ icon_size= »13px »]Illustrateur:
Florent Sacré[/asvc_list_item][asvc_list_item icon_align= »left » icon_fontawesome= »fa fa-book » icon_color= »#186073″ icon_size= »13px »]Editeur: Didier Jeunesse[/asvc_list_item][asvc_list_item icon_align= »left » icon_fontawesome= »fa fa-money » icon_color= »#186073″ icon_size= »13px »]Prix:
12 euros par volume[/asvc_list_item]